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Un petit coin de terre et son dit bruissant
5 novembre 2012

L'IMMEUBLE

L'immeuble


La décision est tombée !  Cet immeuble que vous voyez sur la gauche, va être détruit.  Rasé.  Effacé. Comme s’il n’avait jamais existé.  De lui, il ne restera qu’un grand vide.  Et deux cents familles à reloger…


Lorsque la nouvelle circula dans le quartier, les habitants s’en émurent.  Comment ces familles expulsées trouveraient-elles un autre logement ?  Elles ne disposent que de faibles revenus, voire une aide sociale mensuelle.  Et les loyers dans le privé sont élevés.  Inabordables.  Quant aux logements sociaux existants, où trouver de la place ?  Ils doivent être partis pour le 1er décembre.  A l’orée de l’hiver !…

Les médias se saisissent de l’affaire.  Les familles sont interviewées.  Des visages dignes, des larmes dans les yeux.  L’angoisse est palpable.

Le gérant de l’immeuble explique.  Le bâtiment est vétuste.  A la limite de l’insalubrité.  Effectuer les réparations nécessaires coûte trop cher.  Les actes de vandalisme fréquents – incendies dans les garages, graffitis, mobilier jeté par les balcons,… - n’arrangent rien.  D’où la décision du conseil d’administration de tout raser.

Mais les gens ?

Le gérant précise qu’il met une assistante sociale à la disposition des familles pour les aider à retrouver un logement.  Les sociétés de logements sociaux de la ville et ses environs réservent certains de leurs logements pour les accueillir suivant leurs disponibilités.

A nos yeux, ce projet de relogement avait peu de chances d’aboutir.  Une seule assistante sociale pour deux cents familles démunies à reloger, des logements sociaux pleins à craquer…  Le projet paraissait irréaliste.

C’est à ce moment-là que je regrettai de ne pas être riche.  J’aurais pu offrir un logement à loyer modéré.  Face à ce drame, qu’est-ce que je pouvais faire pour aider ?  Cette question me taraudait tandis que je levais les yeux vers les fenêtres de l’immeuble.

Autour de la supérette du coin, des petits groupes se forment sur les trottoirs.  C’est là que l’on discute.  Les problèmes, les joies, les rancoeurs, les règlements de compte…  Tout y passe.  Et quelques fois, la rue en est toute agitée.  Certains habitants du quartier s’en irritent et songent avec soulagement au proche départ.

En ce début de novembre, les camions de déménagement apparaissent peu à peu.  Les rails qui relient le camion à l’étage - l’immeuble compte treize étages, si je compte bien -  se tendent comme les cordes d’un violon et un chant aigu s’élève.  L’oreille des habitants du quartier, et celle des chats qui assistent à l’événement, écoute attentivement cette mélodie urbaine.  Tiens ! Encore un départ.  Quelqu’un a trouvé un nouveau logement.  Peu à peu, les fenêtres se dévoilent.

Le projet de relogement n’est peut-être pas irréaliste finalement.  La confiance en nos édiles revient progressivement.

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Commentaires
I
C'est un excellent article, vivant, vrai, juste. Qui émeut et en même temps réconforte. Car l'évidence est là: peut-on laisser s'écrouler brusquement, sans éloigner les habitants, un immeuble si vétuste que les dégâts se multiplient au point de menacer l'équilibre de l'édifice? les services sociaux semblent bien organisés. Je souhaite que chacun retrouve peu à peu un point de chute qui consolera des déboires.<br /> <br /> Merci pour ce texte, Judith,<br /> <br /> <br /> <br /> Lorraine
Un petit coin de terre et son dit bruissant
  • D’abord, il y a le jardin. Puis la maison et la maîtresse des lieux : Judith. Il y a la ville. Et des mots qui bruissent dans le quotidien. Voici le journal intime d’un petit coin de terre.
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